Susan Silton: The Five W’s, version Proxy Paris

« Mon père prend toujours exemple sur les publicités pour nous proposer une image de la famille heureuse où les gens communiquent, rient et plaisantent en rentrant à la maison. Il voudrait qu’on lui demande ce qu’il a fait aujourd’hui, qu’on prépare un petit dîner, une jolie table et que chacun se serve en riant. »

Valérie Mréjen, Mon grand-père, 1999, ed. Allia

R comme roots

Pour sa première exposition personnelle à la galerie Anne-Sarah Bénichou, Valérie Mréjen poursuit son exploration du thème de la famille. Roots comme racines, racines imaginaires. Une famille de fiction faite d’arbres généalogiques composés à partir de noms de marques: Bonne Maman, Uncle Ben, etc. Une famille de fiction internationale.

Mystification affective, jeu sur l’image et sur le mot. Mystification du langage également, jeu sur le sens et son escamotage, usage des faux-semblants et des clichés. Autant de thèmes qui sont au cœur du travail de l’artiste et que l’on retrouve dans les nouvelles œuvres présentées, notamment une série de dessins qui associent des noms de produits pour former des lignées étrangement familières. Roots: un mot qui peut évoquer l’absence de confort, des conditions spartiates ou une installation sommaire. Une forme de rudesse à l’exact opposé de l’image que ces mères, grand-mères, oncles et tantes inventés essayent de nous donner. Avec un aïeul composite, une figure de petite Mamie rassurante et universelle, elles font au mieux pour produire l’impression du comme à la maison, du comme dans votre enfance.
L’emploi de l’expression c’est roots permet de tirer une certaine fierté de ce dont on a l’air de se plaindre. Il s’agit de pointer un manque ou un défaut, que l’utilisation de l’anglais rend tout de suite plus sympathique, distancié. On dit c’est roots comme on dit c’est rock. Cette forme de dureté a l’air ainsi plus romantique. De même qu’on peut chercher à sauver sa famille en la présentant sous un meilleur jour tout en la critiquant de l’intérieur.
C’est aussi et avant tout un retour aux sources : le désir de produire une nouvelle série de dessins après quelques années consacrées à d’autres médiums et moyens d’expression.

Dans le cadre de l’exposition, Valérie Mréjen a invité Clara Schulmann à écrire un texte abordant le thème de la famille. Au fil des discussions, Clara Schulmann a évoqué La Maison biscornue d’Agatha Christie.
Il en résulte une interprétation, une libre variation autour des souvenirs et des histoires, des légendes qu’on se plaît à sur-dramatiser pendant l’enfance. Chocolat chaud, grand-mamans inquiétantes et arbres biscornus…

Ce texte sera édité et distribué à la galerie durant l’exposition.

Galerie Anne-Sarah Bénichou
45 rue Chapon – 75003 Paris