Les feuilles de bananiers employées par le Nego Fugido, éléments symboliques liés à l’ancestralité autant qu’à la violence esclavagiste. © Nicola Lo Calzo, Ville d’Acupe. 2022. Série Nego Fugido.
NEGO FUGIDO, MÉMOIRES QUILOMBOLAS
Exposition monographique de Nicola Lo Calzo au Centre d’art Ygrec-ENSAPC
Exposition du 5 juin au 12 juillet 2025
Vernissage le jeudi 5 juin 2025, de 19h à 21h
Commissaire de l’exposition : Ioana Mello
Des cendres et du feu
L’exposition de Nicola Lo Calzo, Nego Fugido, mémoires quilombolas, propose une immersion sensible et engagée dans un processus de réaffirmation de la liberté.
Chaque année, au sein de la communauté quilombola [1] d’Acupe, au Brésil, se déroule le Nego Fugido : une performance rituelle qui rejoue la déshumanisation de l’esclavage et la lutte des esclavisé·es pour l’émancipation. À la manière de tableaux vivants, cette mise en scène fait émerger, depuis le point de vue des subjugué·es, une mémoire incarnée de l’oppression et de la résistance.
À rebours des récits dominants, le Nego Fugido construit un contre-récit souverain, porté par celles et ceux dont l’histoire a été longtemps niée ou effacée. Par cette pratique, la communauté se réapproprie son passé, le revisite à l’aune du présent, et propose une lecture plus complexe de l’héritage colonial, toujours vivant au Brésil comme ailleurs. La performance du Nego Fugido agit ainsi comme un acte de médiation mémorielle, au croisement de l’art, de la politique, de la spiritualité et de la transmission. Et nous interpelle collectivement : quelles voix façonnent notre mémoire historique ? Qui décide des récits qui fondent une nation ?
Zoio, membre du Nego Fugido. © Nicola Lo Calzo, Ville d’Acupe, Bahia, 2022. Série Nego Fugido.
En exposant cette pratique, l’artiste-chercheur Nicola Lo Calzo, révèle un pan souvent tu de l’histoire : une mémoire non figée, qui n’est pas exprimée dans les livres, mais par les corps, les gestes, les chants et les rituels. Cette série fait partie du projet KAM, initié en 2010, qui explore les mémoires atlantiques de l’esclavage et les formes de résistance qui en ont émergé. Lo Calzo adopte toujours une démarche de cocréation attentive, loin de toute posture voyeuriste ou exotisante. Son travail s’inscrit dans une relation d’écoute et de collaboration avec la communauté, visant à créer du commun.
Dans l’exposition, les strates de mémoire et de spiritualité prennent forme à travers une constellation visuelle : photographies, vidéos, sons, archives et objets symboliques dialoguent pour restituer la profondeur de cette pratique. Le public suit le fil rouge de Exu, figure complexe des cultes afro-brésiliens et conducteur des éléments essentiels de l‘exposition. Exu est associé au Nego Fugido et se présente comme une personnification du défi, ainsi qu’un intermédiaire entre les dieux et les hommes.
Le Nego Fugido est un espace de réinvention du passé, un acte d’autodétermination, face aux discours paternalistes de la prétendue démocratie raciale ou aux représentations stéréotypées véhiculées par un multiculturalisme de façade. Par l’image et l’installation, cette exposition invite à regarder autrement l’histoire de l’esclavage et ses résonances contemporaines. Dans le cadre de la Saison Brésil – France 2025, nous voulons approfondir le dialogue entre les deux cultures et participer à la construction d’une mémoire collective plurielle, vivante, et profondément ancrée dans les réalités des communautés qui la portent.
Ioana Mello, commissaire de l’exposition
Nego Fugido, mémoires quilombolas est le fruit d’un terrain de recherche développé entre 2022 et 2025 dans le cadre du doctorat de Nicola Lo Calzo auprès de l’École Universitaire de Recherche Humanités, Création, Patrimoine de CY Cergy Paris Université en partenariat avec l’ENSAPC (sous la direction de Sylvie Brodziak et de Corinne Diserens). Cette thèse poursuit un travail photographique au long cours sur les mémoires et les survivances de l’esclavage colonial et de ses résistances en Afrique, dans les Caraïbes, dans les Amériques et en Europe, démarré en 2011 : le projet KAM. À partir d’une approche queer et intersectionnelle, ce projet vise à soulever la question centrale des représentations postcoloniales au sein de la pratique artistique, notamment quand l’artiste opère et intervient dans des contextes toujours marqués par les inégalités sociales et les séquelles de l’histoire coloniale.
À l’occasion du Cycle Aimé Césaire organisé par la Ville d’Aubervilliers dans le cadre de la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, 10 photographies de Nicola Lo Calzo seront présentées sur des panneaux d’affichage sur l’ensemble du territoire d’Aubervilliers pendant la durée de l’exposition.
Mestre Douglas, Feu de Xangô (en portugais : Fogueira de Xangô). Nicola Lo Calzo, Acupe, Série Nego Fugido.
Nicola Lo Calzo est un photographe et enseignant-chercheur résident en France depuis 2006. Il travaille actuellement à Paris où il anime un cours sur les pratiques anticoloniales et queer en photographie auprès de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy et de Sciences Po Saint-Germain-en-Laye.
Ses œuvres ont été exposées dans des Musées, des Centres d’Art ou des Festivals, dont le Museé Nivola à Orani (Brigantinas, 2024), le Festival Fotografia Europea à Reggio Emilia et le Centro Italiano di Fotografia à Turin (Binidittu, 2021), l’Institut des Cultures Islam à Paris (Tchamba, 2020), le Centro de la Imagen à Mexico (Obia, 2018), l’Hospice Comtesse de Lille (Regla, 2018), le Musée d’Art Contemporain Africain Al Maaden à Marrakech (Agouda, 2017). En 2017, son travail a été exposé dans le cadre de l’exposition Afriques Capitales organisée par Simon Njami entre Paris et Lille. Les œuvres de Lo Calzo sont présentes dans plusieurs collections privées et publiques, dont les collections nationales du CNAP, de la BNF, la collection Lightwork à Syracuse – New York, les Archives Alinari à Florence, la Pinacoteca Civica à Monza et le Tropenmuseum à Amsterdam. Lo Calzo est lauréat du Cnap en 2018, nominé pour le Prix Elysée en 2019 et finaliste du prix Nièpce en 2020. En 2022, il est lauréat de la Grande Commande Photographique de la BNF. Son travail a été publié par les Editions Kehrer (Regla en 2017, Obia en 2015 et Inside Niger en 2012 et L’Artiere (Binidittu en 2020). Il est également un collaborateur régulier de la presse internationale, dont Le Monde (quotidien et magazine), The Guardian, Internazionale. Son travail est représenté par la galerie Dominique Fiat (France) et la galerie Podbielski Contemporary (Italie).